Et si l’élevage disparaissait ?

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L’élevage est un socle important de production alimentaire pour les Français et un secteur créateur d’emplois. Premièrement, sa disparition conduirait à une désagrégation de tout un tissu économique et social dans de nombreuses zones, ainsi qu’à un recul de la souveraineté alimentaire – gage d’une stabilité sociale – par une perte de production. En outre, les distances parcourues par les protéines d’origine animale seraient accrues sans que leur qualité en soit améliorée (importation de viande hormonée par exemple) et les « locavores » n’auraient plus qu’à devenir végétariens, voire végétaliens avec d’autres types d’interrogations (rôle de l’animal dans la société, carences des régimes alimentaires). La gastronomie française garderait-elle alors son titre tant défendu au patrimoine mondial de l’Unesco avec du steak in vitro ? De même, les coproduits de cultures deviendraient des déchets et ne seraient plus valorisés localement (drèches de maïs, pulpes de betterave, etc.). Ils pourraient toujours être valorisés ailleurs, mais ceci impliquera une perte de valeur ajoutée pour le territoire et une pollution via les transports. L’élevage fournit aussi du cuir et des coproduits industriels (gélatine, petfood) qui devraient être remplacés par des matières synthétiques ou d’autres types de protéines éventuellement importées. Quant aux déjections qui fertilisent les sols, elles devraient être remplacées par des engrais chimiques.  

Par ailleurs, la gestion de l’espace serait totalement modifiée : de nombreuses terres non labourables ne seraient plus valorisées pour des productions alimentaires. Certes, d’autres utilisations pourraient être envisagées, comme les cultures dans les zones labourables, à condition que les conditions agronomiques le permettent, ou bien la production de biomasse non alimentaire (plantation des peupliers dans les zones humides de bas-fonds ; boisement spontané ou reboisement en zones défavorisées) avec des risques associés : appauvrissement des sols (perte de matière organique en l’absence d’apport d’effluents animaux), perte du rôle de filtre à eau de la prairie, réduction de la biodiversité, risque d’érosion (disparition des prairies, haies, talus ou bosquets permettent de ralentir l’écoulement des eaux), risques de feux de forêt. Une telle rupture conduirait à une banalisation des paysages (mer de forêt ou de blé) et une disparition des plus emblématiques (bocage).

Enfin, il est évident que l’on assisterait à une perte de savoir-faire et de lien social. Des éleveurs isolés en zone céréalière ont déjà constaté qu’avec la disparition de l’élevage, les campagnes ou bourgs-centres étaient moins vivants. C’est le cas des plaines américaines ou argentines, qui se vident avec leurs « sidewalk farmers » qui n’ont pas la nécessité d’être présents plusieurs fois par jour pour surveiller et alimenter leurs troupeaux et résident donc dans les villes.

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Territoire avec ou sans élevage

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Des enjeux différenciés selon les territoires

Dans des zones de plaine à haute densité animale où d’autres alternatives existent (céréaliculture, urbanisation, etc.), les enjeux portent davantage sur le maintien des emplois et du système productif, d’une identité sociale et culturelle et sur les complémentarités agro-écologiques entre élevage et culture.

Dans les zones de montagne ou les plus fragiles, l’élevage, seule alternative, est souvent le dernier pourvoyeur d’emplois directs ou indirects et s’impose en effet comme le dernier rempart face à la désertification, aux risques environnementaux (incendies, érosion, etc.) ou au boisement généralisé. Or, tous ces services sont liés. Ainsi le paysage ouvert par des ruminants pâturant dans les pentes représente une part importante du patrimoine et une attractivité touristique. Si les pâturages étaient remplacés par des friches non entretenues, les randonneurs et amateurs de montagne trouveraient moins d’intérêt à se rendre dans ces zones où les manifestations et fêtes pastorales, les restaurants et magasins de produits locaux de qualité auraient disparu. Sans ces fromages, viandes ou plats cuisinés comme l’aligot ou le bœuf bourguignon et sans ces paysages reconnus, le socle d’attractivité touristique et résidentiel n’existerait plus.

Dans les zones peu peuplées et isolées, les éleveurs et toutes les personnes travaillant dans les filières lait et viande jouent aussi un rôle évident d’animateur du territoire. Inscrire leurs enfants à l’école, vivre dans les villages ou encore rendre visite aux personnes âgées permet de maintenir une vie sociale. L’élevage y est donc vu comme un socle sur lequel tout repose : entretien du paysage, maintien d'un tissu social et des services (administration, hôpitaux, commerces, écoles, tissu associatif et culturel…), vitalité rurale, contribution à l'économie des ménages et du territoire, liens sociaux et culturels. Si l’élevage disparaissait, cela aurait un coût significatif.

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Note : Les illustrations, cartes et textes sont issus de L'Atlas de l'élevage herbivore en France aux Éditions Autrement. Ces éléments ne peuvent être utilisés pour un usage autre que personnel.