Interview de Pierre Sanner

Pierre Sanner, Directeur de la Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires

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Pierre Sanner - Directeur de la Mission française du patrimoine et des cultures alimentairesPierre Sanner est directeur de la Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires. Celle-ci, après avoir contribué à  l’inscription du Repas gastronomique des Français au patrimoine culturel immatériel de l’humanité doit désormais œuvrer à sa transmission. C’est ce à quoi vont contribuer les Cités de la gastronomie. Qu’est-ce que le Repas gastronomique des Français ? Comment sauvegarder le patrimoine culinaire ? Quel rôle joue le Réseau des Cités de la Gastronomie ? En quoi les Cités de la gastronomie concourront à la transmission du patrimoine gastronomique ? Pierre Sanner répond à nos questions.

Comment peut-on définir le « Repas gastronomique des Français » ?

Pierre Sanner : C’est avant tout un élément essentiel de la culture et de l’identité des Français qui aiment fêter les moments heureux de la vie autour d’une bonne et belle table. On peut donc dire que le repas gastronomique des Français est cette pratique sociale festive et coutumière qui nous fait nous rassembler pour préparer et partager de bons mets. C’est à ce titre que l’UNESCO a inscrit « le repas gastronomique » sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Le repas gastronomique est le fruit de connaissances et de savoir faire qui, transmis de génération en génération, évolue, s’adapte, se recrée en permanence. Il répond bien sûr à certaines règles : élaboration attentive des mets parmi un corpus de recettes qui ne cesse de s’enrichir ; le choix de produits du terroir qui contiennent une dimension culturelle forte dont on cherche à accorder harmonieusement les saveurs ; le plaisir de cuisiner ensemble, d’échanger et de transmettre des connaissances, l’attention à réaliser le meilleur mariage entre plats et boissons, favoriser une esthétique de la table, etc.

L’inscription prévoit des mesures de sauvegarde de ce patrimoine. La transmission au sein de la population française en fait-elle partie ?

Pierre Sanner : Bien sûr. C’est une dimension essentielle de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel : s’assurer de sa « viabilité » et principalement de sa transmission aux générations futures. Le plan de gestion proposé par la France et approuvé par l’UNESCO prévoit la mise en place d'actions visant à favoriser la transmission par l'éducation, les travaux de documentation et de recherche ou encore l'intégration dans les grandes manifestations culturelles nationales d'un volet dédié au repas gastronomique. Mais la mesure phare du plan de gestion qui découle de l'inscription par l'UNESCO du repas gastronomique des Français est la création « d'un équipement culturel pluridisciplinaire, de dimension nationale et internationale dédié à la valorisation et la transmission du patrimoine gastronomique ». Ces Cités de la gastronomie, qui viennent d'être désignées par le gouvernement, auront un rôle clef à jouer en matière de transmission et de mise en valeur de notre patrimoine gastronomique.

Concrètement, quelles actions ces Cités entendent-elles mener en matière de transmission ?

Pierre Sanner : Le Réseau des Cités de la Gastronomie, officiellement lancé le 19 juin, s’articule autour de quatre projets : Dijon, Tours, Lyon et Paris-Rungis. Pour la première fois en France les patrimoines gastronomiques vont disposer de lieux de culture vivants et ouvert à tous ; amateurs de cuisine, chercheurs, designers, producteurs, écoliers et enseignants, artistes, étudiants étrangers, touristes. Bref des lieux de vie et d’effervescence comme le sont par exemple les marchés partout dans le monde ! Ces vitrines du patrimoine gastronomique français ouvriront au public entre 2016 et 2019. Chaque projet prévoit la création de centres de documentation, de bibliothèques, y compris virtuelles, et d’espaces de formation conçus sur la base de partenariats avec des écoles, des centres de formation d'apprentis, des entreprises, etc.

Quels résultats sont ainsi recherchés ?

Les Cités doivent concourir à faire venir un certain nombre de jeunes aux métiers de bouche, qui souffrent d’un déficit d’orientation, en devenant des points relais d’expérience pilote, de démonstration et d’orientation des différents métiers.  Mais les Cités de la gastronomie ont aussi pour but de transmettre au plus grand nombre. Elles disposeront de « pianos » qui pourront être mis à disposition des personnes ou d’associations, avec ou sans encadrement. Tout ce qui contribuera à favoriser une meilleure connaissance des métiers, mais aussi des aliments, y est le bienvenu. La viande, la bonne viande, y aura évidemment toute sa place. La découpe exige un savoir-faire que l’on maîtrise particulièrement bien en France. Il faut le promouvoir, le faire connaître et mettre en valeur l’excellence de ces métiers. Quant au vocabulaire de la viande et de sa découpe n’est-il pas l’un des plus riches qui soit ?