Emergence et développement des critiques vis-à-vis des productions animales

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En 1955, la population active agricole, familiale et salariée, atteignait 6,2 millions de personnes, soit 31 % de l'emploi total en France. En 2010, cette part ne représente plus que 3,3 % de la population active, soit 1 million de personnes. Même si les Français restent très attachés à leur agriculture et à leurs racines rurales, l’éloignement des consommateurs de la production alimentaire et les évolutions de l’agriculture font naître aujourd’hui de multiples questions et incompréhensions. Celles-ci sont également ravivées par les crises sanitaires et par les critiques de certains mouvements associatifs végétariens ou de protection animale.

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Émergence et développement des critiques vis-à-vis des productions animales

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Des évolutions parfois mal comprises

Les pratiques agricoles développées durant la seconde moitié du XXe siècle pour produire plus et subvenir aux besoins de la population d’après-guerre sont aujourd’hui fréquemment décriées. « Intensif », « productiviste », « industriel » sont des termes employés pour critiquer cette  évolution.

En matière d’élevage d’herbivores, les principales voies de modernisation en France ont été une spécialisation de l’activité, une diversification des fourrages avec notamment de la production de maïs en complément de l’herbe et un agrandissement moyen des troupeaux. Néanmoins, le terme « d’élevage intensif » recouvre des réalités très différentes à l’échelle mondiale : les feedlots (fermes d’engraissement) à 100 000 bovins et utilisant des hormones aux États-Unis, souvent montrés dans les média, ne ressemblent en rien aux élevages français, avec des cheptels allaitants autour de 80 à 150 têtes, qui autoproduisent 90 % de l’alimentation du troupeau et valorisent les surfaces en herbe (80 % de la ration des bovins et ovins viande).

Les différents modes de production sont aujourd’hui peu connus des consommateurs et la campagne n’est plus considérée comme un lieu de production agricole par la majorité de la population. Cette distanciation donne prise aux critiques, même quand elles sont infondées et peut générer des conflits locaux comme lors de la construction d’un nouveau bâtiment d’élevage.

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La montée de mouvements critiques

Si le XIXe siècle a été celui de la sécurisation de l’approvisionnement alimentaire en quantité et qualité et celui des préoccupations sanitaires, à partir du XXe siècle et surtout des années 1970, des mouvements de défense de l’environnement et du bien-être animal se sont développés et ont porté des critiques sur l’élevage, accentuées dans un double contexte de mutation de l’élevage et d’évolution du statut de l’animal. Elles dénoncent notamment le confinement des animaux dans les systèmes dits « hors-sol » et certaines interventions techniques (écornage ou castration par exemple).

L’animal est aujourd’hui intégré dans une pluralité de valeurs, d’intérêts et de représentations parfois contradictoires. L’éloignement des consommateurs de l’acte d’abattage et la figure désormais centrale de l’animal de compagnie dans la relation homme-animal créent une certaine répugnance face à tout ce qui pourrait rappeler l’animal dans l’assiette (« sarcophagie »). Au-delà des positions d’associations antispécistes qui prônent la fin de l’élevage et de la consommation de ses produits, le regard des sociétés sur le statut de l’animal change, que ce soit en France ou ailleurs. Les éleveurs évoluent en permanence en intégrant ces nouvelles demandes. Ils doivent également toujours mieux expliquer la relation particulière qu’ils ont avec leurs animaux : veiller au bien-être et à la santé des animaux fait partie intégrante de leur métier. 

Sur les questions environnementales, les critiques sont différenciées selon que l’on parle des granivores (porcs et volailles) ou des herbivores. Les premiers sont souvent reliés aux questions de qualité de l’eau, tandis que les ruminants – et les bovins en priorité – ont été associés plus récemment à des enjeux globaux comme le réchauffement climatique  ou la surconsommation de terres agricoles . Ces arguments sont repris par les mouvements et personnalités végétariennes comme Paul Mc Cartney qui a milité pour le lundi sans viande lors du sommet Climat de Copenhague. Au niveau français, ces critiques sont néanmoins nuancées par une reconnaissance croissante de la qualité des produits ou du rôle de l’élevage dans la mise en place d’une agriculture plus vertueuse, notamment par le rôle des prairies et la fourniture de services environnementaux

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Conforter l’acceptabilité sociétale

Experts animaliers par leur contact quotidien avec les animaux et la connaissance de leurs comportements, les éleveurs se disent souvent désemparés face à cette remise en question du fondement de leur métier qui consiste avant tout à élever des animaux dans les meilleures conditions pour qu’ils se développent, soient en bonne santé et calmes. Ajoutées à d’autres contraintes (astreinte, revenu), les critiques qui pèsent sur l’élevage et ses produits contribuent à la baisse d’attractivité du métier et certains projets sont abandonnés par les éleveurs qui ressentent un sentiment de malaise face aux accusations qui visent autant la profession que l’individu lui-même.

Face à ces évolutions de la société, pour les filières françaises, faire connaître les modes de production, leurs complémentarités et les multiples services rendus sur les territoires devient un enjeu primordial. Il s’agit enfin de montrer leur engagement dans des démarches de progrès qui intègrent les enjeux environnementaux, économiques et sociaux et d’en mesurer les résultats. Par exemple, les techniques d’abattage évoluent constamment en faveur du bien-être animal : systèmes de tri et d’attente des animaux, étourdissement des bêtes, formation des personnels, etc. Pour tenter de construire une vision commune, plutôt que de continuer à enrichir les controverses, des actions de dialogue avec la société civile et des échanges avec les ONG spécialisées dans l’environnement et l’agriculture sont engagées par la filière viande.

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Note : Les illustrations, cartes et textes sont issus de L'Atlas de l'élevage herbivore en France aux Éditions Autrement. Ces éléments ne peuvent être utilisés pour un usage autre que personnel.